3 400 milliards de dollars :
Selon les projections, c'est le montant que les dépenses mondiales liées à la transformation numérique atteindront d'ici 2026. Un chiffre considérable qui montre l'importance de ce mouvement de transformation pour les entreprises. Aujourd'hui, 89 % des grandes entreprises au niveau mondial sont engagées dans un projet de transformation digitale. Des projets complexes qui nécessitent des investissements importants, en temps, en argent, mais aussi des investissements humains.
Pour en discuter, je suis ravie d'accueillir Michael Manouvrier, Chief Digital and Information Officer chez Roquette, Benjamin Paris, Head of Digital Business Solutions chez Roquette, John Lecointe, Directeur adjoint Industries et Services en France pour Sopra Steria, et Vianney Le Blan, Directeur de la business line SAP en France pour Sopra Steria.
Aujourd'hui, cela fait donc des dizaines d'années qu'on parle de transformation numérique. Quels sont les attentes et les enjeux particuliers aujourd'hui ?
Oui, Anaëlle, effectivement, des enjeux majeurs dans la transformation digitale. Le premier, c'est toujours plus de services. Les entreprises veulent apporter plus de services à leurs clients, cela passe par des expériences utilisateur plus immersives, à distance. Pouvoir utiliser le produit avant l'heure, avoir des benchmarks sur les prix, optimiser la livraison, etc.
Le deuxième, c'est les coûts de production. Comment on réduit le coût de production, notamment avec l'inflation des prix, l'Ukraine, comment on optimise la chaîne de production, d'approvisionnement, et qu'on puisse améliorer les coûts de production.
Et troisième enjeu majeur, c'est l'agilité. Dans un monde où la concurrence est de plus en plus accrue, comment être plus rapide que les autres, et proposer de nouveaux produits, services.
Et si on s'intéresse plus spécifiquement à l'industrie, quelles sont les grandes transformations à l'œuvre ?
L'industrie connaît un boom majeur. Des investissements forts avec des projets 2030. Quatre parties distinctes connaissent des transformations digitales : conception et prototypage avec des modélisations digitales des processus via des maquettes 3D ; maintenance prédictive pour anticiper les pannes ; suivi de la production avec des technologies comme les métaverses industriels, la 5G industrielle ; et optimisation de la production en utilisant des outils digitaux pour améliorer chaque processus.
Tout à fait. On a fait un panorama global des enjeux de la transformation digitale pour les entreprises. C'est un sujet que vous connaissez bien tous les quatre, puisque vous avez mené ensemble un projet de transformation important pour Roquette, avec le soutien de Sopra Steria. Quels étaient les enjeux de départ pour Roquette avant de lancer ce projet ?
Les premiers enjeux n'étaient pas digitaux, mais concernaient la transformation des processus pour toute l'entreprise, soutenus ensuite par des moyens digitaux. La première volonté était une transformation avec une homogénéisation des pratiques, indépendamment des sites, sur la plateforme SAP.
Effectivement, au cœur de votre projet, il y a SAP. Pourquoi vous avez choisi cet outil-là ? Quel est l'impact sur les métiers aujourd'hui ?
SAP est le leader du logiciel en Europe. Il permet de modéliser, d'intégrer les process de bout en bout dans la transformation des entreprises. Chez Roquette, SAP était déjà utilisé depuis les années 2000 sur des fonctions support. Récemment, nous avons étendu le périmètre pour couvrir d'autres processus, plus opérationnels, pour assurer le service à nos clients. Cela inclut une meilleure gestion des entrepôts, des processus de transport, et une meilleure visibilité sur nos encours de production.
Au-delà d'un changement technique, il y a un changement humain à conduire. Pour garantir le succès du projet, il faut que les utilisateurs adoptent l'outil. Comment cela s'est passé chez Roquette ?
Alors pour reprendre le point de départ, la genèse, c'est déjà une transformation au sein de l'entreprise, l'importance du processus. Donc effectivement, il y a une part prépondérante sur la conduite du changement et être sûrs d'avoir une bonne compréhension aussi des impacts qu'ont ces nouveaux process et ces nouvelles solutions pour l'ensemble des employés. Parce qu'on part, on part dans un monde complètement intégré, où l'action d'une personne en amont va avoir une conséquence sur une personne en aval, avec une vraie connexion entre les deux. Et il est très important que les gens puissent le comprendre. Par rapport à ça, on a mis en place un système qui va de ce qu'on a appelé l'awareness, c'est-à-dire l'introduction des nouveaux principes à l'ensemble des collaborateurs.
Donc on a fait des ateliers, on appelait ça des simulation games, des ateliers pour mettre en situation sur l'ensemble du processus de bout en bout, les intervenants pour leur permettre de bien comprendre. Même si par exemple, c'est une personne de la logistique qui comprenne comment fonctionne la production, comment fonctionne la qualité, comment fonctionne l'administration des ventes. Ces différents éléments ont été présentés. Ensuite, nous avons formé ce qu'on appelle train the trainer, donc un cercle, un premier cercle avec des utilisateurs clés de façon, on va dire un peu plus poussée sur les processus, comment ils s'exécutent dans la solution. Et ces formateurs ont eux-mêmes été voir ensuite les utilisateurs finaux pour leur expliquer au jour le jour comment ça allait se dérouler.
Tout ça accompagné avec des éléments de communication, d'explication pour tenir au courant de l'avancée au fur et à mesure. Les partages d'expérience aussi des sites précédemment déployés, puisqu'on a fait des déploiements progressifs, site par site. On a commencé par des sites, on va dire modestes, pour grandir ensuite sur des sites d'importance un peu plus haute. Et donc le partage d'expérience aussi des sites précédents était fortement recommandé. Et du coup on envoyait des personnes des sites qui allaient vivre le déploiement sur un site déjà déployé pour voir vraiment dans la vraie vie comment ça se passait.
Je rebondis à ce que tu dis, Benjamin. Je pense que ce qui a fonctionné dans le succès de ce projet, c'est effectivement une conduite du changement globale, avec une même équipe transverse. Et nous, ce qu'on voit aussi chez Sopra au sens large, c'est finalement quand on donne du sens, quand on peut mettre en avant la valeur ajoutée pour chaque utilisateur, et aussi rendre ludique cette formation-sensibilisation à travers de la gamification, et bien on embarque l'ensemble des équipes. Voir aussi que le collaboratif finalement est démultiplié dans ces nouveaux programmes, tel qu'on l'a vécu avec Roquette.
Finalement, c'est beaucoup plus simple d'embarquer, de faire grandir et d'accompagner au changement l'ensemble des équipes. Et ça, c'est capital pour la réussite d'un projet. Et parmi les autres changements de ce projet en particulier : maintenant, la donnée est devenue le cœur du réacteur, on va dire du fonctionnement de Roquette. Comment on s'approprie aussi cette culture en interne quand ça n'a pas toujours été le cas ? Forcément, on ne gère que ce que l'on mesure. Et donc forcément, on va déployer une organisation autour des données qu'on va valoriser, et autour du process et de l'amélioration continue. Et donc finalement, le changement, ce n'est pas un changement qui s'arrête à la fin du projet, mais c'est un changement continu, dans lequel on va exploiter les données, pour pouvoir modifier les process, diminuer la variabilité de ces process et finetuner et améliorer le fonctionnement produit-process de ce qui a été mis en place.
On le voit sur ces projets SAP, le démarrage c'est vraiment mettre ses fondations, ses fondations comme on l'a dit, travailler le métier avec l'IT, les processus end-to-end, le métier se parle entre la finance, la logistique, la supply chain, les équipes transport, la production. Donc c'est vraiment avoir cette fluidité de la donnée de bout en bout, pour pouvoir avoir cette traçabilité et améliorer les processus, la performance de l'entreprise. Ces fondamentaux, c'est vraiment le début du projet de transformation de l'entreprise. Le reste est encore à venir. Il y a encore beaucoup de projets derrière pour transformer les entreprises. Ce qui est important, c'est d'avoir ces fondations de la donnée et puis après de pouvoir l'exploiter et améliorer la performance de l'entreprise. Je pense que chez Roquette, ça a été clé d'avoir déjà ces fondations pour pouvoir maintenant continuer à améliorer la performance des entreprises. Et aujourd'hui, effectivement, on parle difficilement de transformation digitale, sans parler d'intelligence artificielle. Qu'est-ce qu'on raconte sur l'intelligence artificielle chez Roquette aujourd'hui, est-ce qu'il y a déjà des choses en place ? Bien sûr. On a ce qui a été évoqué par John au tout début. On va utiliser l'intelligence artificielle pour monitorer et optimiser des fonctionnements de machines, des dryers ou ce genre de choses.
On va utiliser l'intelligence artificielle et computer visioning sur des installations spécifiques pour pouvoir automatiser les opérations. Et on va utiliser aussi de l'algorithmique pour faire des optimisations dans différents domaines. Et puis si on parle de generative AI, on a aussi des utilisations de la generative AI sur certains domaines. On a mis récemment en ligne un service pour l'ensemble des employés utilisant, dans un environnement sécurisé, RoqGPT en interne. Ce n'est que le début d'ailleurs, on en est qu'au début. Si je rebondis à ce que tu dis Michael, effectivement, ce qu'on voit au-delà de ce qui est fait chez Roquette, c'est depuis l'année dernière un bouleversement, avec ChatGPT notamment.
On ne parle pas d'IA sans data ou d'IA générative sans data. Forcément à travers des, comme le disait Vianney, des programmes SAP, on structure la donnée et donc cette donnée nous permet de mettre de l'intelligence finalement à la réflexion, à l'optimisation des process, des machines et autres. Aujourd'hui, on voit qu'il y a énormément de modèles d'IA générative, qui permettent de s'appuyer sur les machines ou dans des logiciels. Les sujets du moment que nous on voit, c'est déjà la conformité. De savoir si par rapport au réglementaire, c'est compliance.
De savoir aussi, si, en termes de véracité des données, puisque les modèles d'IA générative s'appuient sur des données qui sont principalement publiques, mais on peut les mettre avec les données du privé, comment s'assurer que finalement on a la juste valeur et réponse, et que finalement ça apporte la bonne valeur. Et le dernier point, j'aurais tendance à dire, c'est le choix des solutions. Il y a de l'IA générative qui est intégrée directement dans des solutions, avec des interfaces utilisateur dédiées. Il y a des IA génératives qui sont plus open.
Comment on les intègre dans un système, dans un système d'information, comment on les process, comment on les maintient ? Et donc tout ça, c'est des enjeux de demain, sur lesquels les entreprises comme Roquette ou d'autres sont pleinement investies. Et donc à suivre pour les prochains épisodes sur comment ça évolue dans les années à venir. Un grand merci à tous les quatre d'avoir pris le temps d'être là aujourd'hui et pour cette discussion très intéressante. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que nous avons hâte de suivre l'évolution des transformations digitales des entreprises.