Quel est le véritable coût environnemental de l'IA ?

| minutes de lecture

L’empreinte environnementale de l’IA concerne l’énergie, l’eau et les métaux rares. Des innovations en conception et durabilité sont essentielles pour en limiter l’impact. 

L’intelligence artificielle (IA) fait aujourd’hui de plus en plus l’objet d’un examen public et réglementaire. Il est donc nécessaire que les fournisseurs et les entreprises qui l’utilisent la rendent à la fois éthique et conforme aux lois. 

L’IA a un coût caché : son impact environnemental. Si les discussions se concentrent souvent sur les capacités de l’IA, les ressources qu’elle consomme tout au long de son cycle de vie reçoivent beaucoup moins d’attention. Alors, à quel point ce coût est-il significatif ? 

Dans cette interview, Damien Fovet, architecte et responsable de l’IA durable chez Sopra Steria Group, décrit les principales étapes du cycle de vie de l’IA, examine son empreinte environnementale et met en lumière les innovations émergentes pouvant mener à un avenir plus durable. 

En quoi consiste exactement l’impact environnemental de l’IA ? 

Damien Fovet : L’empreinte environnementale de l’IA s’étend à toutes les étapes de son cycle de vie, et pas seulement à la phase d’utilisation, comme on le pense souvent. Elle commence dès sa création et passe par la collecte des données, l’entraînement, le perfectionnement, l’utilisation et, enfin, le recyclage. Chaque étape repose sur du matériel spécialisé qui consomme beaucoup d’énergie, d’eau et de métaux rares tout en générant des émissions de gaz à effet de serre. 

La phase d’entraînement des modèles comme GPT-3 est souvent pointée du doigt pour ses coûts élevés. Pouvez-vous nous les contextualiser ? 

Absolument. La phase d’entraînement est l’une des étapes les plus gourmandes en ressources. Les grands modèles sont entraînés sur des GPU (Graphics Processing Units) qui consomment d’énormes quantités d’énergie et nécessitent beaucoup d’eau pour le refroidissement. Après cette phase, les modèles subissent souvent des ajustements pour des tâches spécifiques, augmentant encore la consommation énergétique. 

Prenons GPT-3 par exemple : l’entraînement de ce modèle a généré autant de CO2 que 205 allers-retours entre Paris et New York. Si l’on en restait là, on pourrait penser que c’est encore gérable, mais le problème s’aggrave avec ses mises à jour fréquentes. Six mois plus tard, GPT-3.5 est apparu, doublant probablement les besoins en ressources. GPT-4, deux ans et demi plus tard, a un impact d’entraînement 48 fois supérieur à celui de GPT-3. Ce n’est pas un coût environnemental unique : c’est un impact récurrent et croissant à mesure que les modèles évoluent. 

L’utilisation individuelle contribue-t-elle également à l’impact environnemental de l’IA ? 

Oui, absolument. Chaque interaction avec l’IA, qu’il s’agisse de service client, d’analyse de données ou de génération d’images, consomme de l’énergie. Les grands modèles nécessitent une quantité d’énergie importante même pour des tâches de routine, ce qui fait de l’utilisation individuelle un élément critique de l’empreinte globale. Une seule requête peut sembler insignifiante, mais à l’échelle mondiale, c’est colossal.  

Les modèles sont entraînés sur d’énormes quantités de données. Quel est leur impact sur l’empreinte environnementale de l’IA ? 

Les données sont la colonne vertébrale de l’IA, et leur collecte demande à la fois des efforts humains et énergétiques. Le stockage et la gestion de ces données exigent des infrastructures supplémentaires, augmentant à la fois la consommation d’énergie et l’encombrement d’espace physique. 

L’eau joue également un rôle central. Les centres de données s’en servent pour le refroidissement. Ils la réchauffent mais la maintiennent propre, permettant ainsi sa réutilisation. À l’inverse, dans la fabrication du matériel, l’eau est souvent contaminée, rendant toute nouvelle utilisation impossible. 

L’eau de mer n’est pas une alternative viable non plus, car elle provoque la corrosion et l’accumulation de sel, réduisant l’efficacité du refroidissement et augmentant la consommation d’énergie.  

Pour vous donner une idée, une seule conversation avec une IA consomme environ un demi-litre d’eau, tandis que l’entraînement de modèles comme GPT-3 peut nécessiter jusqu’à 700 000 litres. 

Quel rôle jouent les métaux rares dans les systèmes d’IA ? 

Le matériel de l’IA repose fortement sur les métaux rares et les matériaux spécialisés, difficiles à extraire de manière durable. Ces matériaux ne se limitent pas à l’IA : ils sont essentiels à de nombreux appareils du quotidien, tels que les téléphones et les ordinateurs, et exploitent presque la totalité du tableau périodique. 

Les coûts éthiques et environnementaux liés à l’extraction de ces matériaux sont significatifs. L’exploitation minière perturbe les écosystèmes et implique souvent des pratiques de travail oppressives, posant une question cruciale : comment réduire notre dépendance à ces matériaux ? 

Le recyclage offre une solution prometteuse. Les technologies émergentes pourraient permettre de récupérer et réutiliser les particules à l’échelle nanométrique à partir du matériel usagé. Cependant, bien que ces méthodes aient un fort potentiel, elles en sont encore à leurs débuts et ne sont pas encore rentables. 

Quelles mesures peut-on prendre pour réduire l’empreinte environnementale de l’IA ? 

Avant tout, il est essentiel de repenser les matériaux utilisés dans les systèmes d’IA. Au-delà de privilégier des sources durables, il faut explorer des conceptions exigeant moins de ressources. S’attaquer à la racine du problème est bien plus efficace que de se contenter de matériaux « plus verts ». 

Ensuite, il faut impérativement travailler sur l’optimisation des charges de calculs. En faisant fonctionner le matériel à son niveau d’efficacité maximal—ni sur-utilisé ni sous-utilisé—on peut maximiser les performances tout en réduisant la consommation d’énergie. 

Enfin, nous pouvons économiser énormément d’énergie grâce au partage et à la mutualisation des données. Lorsque les organisations collectent, traitent et entraînent indépendamment des ensembles de données ou des modèles similaires, le coût environnemental se multiplie. Centraliser les ensembles de données et partager des modèles d’IA ouverts permettrait d’éliminer les redondances. Et une collaboration autour de l’entraînement des modèles pourrait simplifier les processus et réduire leur impact environnemental global. 

L’informatique quantique pourrait-elle rendre l’IA plus durable ? 

L’informatique quantique promet une révolution, mais l’incertitude reste entière sur l’arrivée et la stabilité des ordinateurs quantiques. Ils pourraient effectuer des calculs à grande échelle en utilisant beaucoup moins d’énergie. 

Les algorithmes inspirés du quantique montrent déjà des résultats prometteurs, réduisant la taille des modèles jusqu’à 85 % tout en maintenant leur précision. Cela représente un grand pas vers la réduction de la consommation d’énergie. Chez Sopra Steria, nous explorons ce potentiel à travers un partenariat avec Multiverse Computing, une startup spécialisée dans la compression de modèles d’IA. 

L’IA peut-elle aller au-delà de la réduction de son empreinte pour contribuer activement à l’atténuation du changement climatique ? 

Absolument. Réduire l’impact écologique de l’IA est une priorité, mais son potentiel de contribution à l’atténuation du changement climatique est extraordinaire. La capacité de l’IA à traiter et analyser des ensembles massifs de données peut favoriser des prédictions environnementales plus précises, une consommation énergétique optimisée et de meilleures prévisions des phénomènes climatiques. 

Par exemple, l’IA traite d’immenses ensembles de données environnementales pour prévoir des événements météorologiques extrêmes. Cela aide les gouvernements et les organisations à se préparer à des catastrophes naturelles comme les inondations, ouragans et sécheresses, minimisant leur impact. L’IA peut également améliorer la gestion des ressources en eau en prévoyant les pénuries et en identifiant les zones sujettes à la sécheresse, et ainsi permettre des actions proactives et durables. 

L’IA constitue aussi un levier puissant pour optimiser l’énergie. En analysant les données des réseaux électriques, elle peut réduire les pertes, équilibrer l’offre et la demande, et faciliter l’intégration des sources renouvelables comme le solaire et l’éolien. 

Son potentiel peut aller encore plus loin, et chez Sopra Steria, pour encourager des approches innovantes en matière de pratiques écoresponsables en IA, nous avons lancé un concours international destiné aux étudiants. 

Un dernier mot à partager ? 

L’efficacité de l’IA pour réduire les effets du changement climatique dépend de la manière dont nous concevons et utilisons ces systèmes. En entraînant un modèle d’IA à grande échelle exclusivement sur des données de durabilité, nous pourrions obtenir des recommandations entièrement axées sur l’atténuation de notre empreinte écologique. 

Bien que l’IA ne puisse à elle seule résoudre le changement climatique, elle constitue un outil puissant qui, appliqué stratégiquement, favorisera des pratiques durables et offrira des solutions concrètes. 

 

Search

data

infrastructure-management

digital-transformation

innovation

artificial-intelligence

product-lifecycle-management

Contenus associés

ADEO reshapes its Data Platform with Cloud-based technologies

To sustain its strong growth, the company has laid the extension of its business on a Platform and Data strategy. To propel this ambitious plan, ADEO has decided to migrate its entire IT system into Google Cloud, applying a datacenterless strategy.

Sopra Steria et OVHcloud étendent leur partenariat afin d’industrialiser l'intelligence artificielle et accélérer la transformation des entreprises dans une démarche open source

Sopra Steria et OVHcloud participent ainsi à l’industrialisation de l’intelligence artificielle (IA) et permettent l’accélération de la transformation des entreprises.

Sopra Steria reconnu parmi les leaders en matière de services de développement agile et DevOps par NelsonHall

Le rapport NEAT de NelsonHall reflète la capacité de Sopra Steria à offrir des bénéfices immédiats et à répondre aux besoins futurs de ses clients. Cette évaluation portait sur les principaux fournisseurs de services de développement agile et DevOps à l’échelle internationale.