Qu’est-ce qu’un réseau de médias financiers ?

par Marine Lecomte - Responsable des offres et des innovations pour les services financiers
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  • Les médias de détail impliquent que les détaillants vendent à des marques tierces des espaces publicitaires sur leurs canaux numériques. 
  • Les banques commencent à faire de même, et cette tendance émergente est appelée « réseaux de médias financiers » (financial media network). 
  • Aux États-Unis, Chase a adopté les médias bancaires en proposant des solutions Chase Media, et en Europe, BoursoBank et Revolut tirent parti de cette nouvelle approche. 
  • D'autres institutions financières devraient étudier comment exploiter efficacement les réseaux de médias financiers pour elles-mêmes, les consommateurs et les annonceurs. 
  • En ce qui concerne les consommateurs, les banques devraient envisager d'offrir des remises en espèces automatiques, des récompenses personnalisées, dans le but de maintenir la confiance et de se conformer aux réglementations. 
  • Avec les annonceurs, les banques doivent fournir des outils algorithmiques et d'analyse de données avancés pour mettre en place ces nouveaux réseaux. 

Le 3 avril 2024, Chase a dévoilé "Chase Media Solutions", une entreprise de médias numériques reliant les quelque 80 millions de consommateurs américains de la banque et près de six millions de petites entreprises à un large éventail de marques, allant du shopping aux voyages en passant par la restauration. Cette nouvelle plateforme fait de Chase la première grande banque nord-américaine à cibler le marché de la publicité numérique. 

Entre-temps, plus près de chez nous en France, BoursoBank a dévoilé son modèle de média de détail "VIP" en mai 2024. L'approche "full funnel" donne à des "partenaires très importants" sélectionnés avec soin la possibilité d'exploiter les données sociodémographiques et transactionnelles collectées par la banque, ce qui leur permet d'adapter leurs offres aux clients de BoursoBank.  

S'agit-il du début d'une tendance dans le secteur bancaire, similaire à celle du secteur de la vente au détail ? Nous examinons le sujet dans cet article, et notamment la manière dont les banques peuvent tirer le meilleur parti de cette nouvelle opportunité commerciale. 

Qu'est-ce que le commerce de détail ? 

Les médias de détail se sont généralisés ces dernières années ; ils impliquent que les détaillants vendent à des marques tierces des espaces publicitaires au sein de leurs canaux numériques. Selon un rapport prospectif d'Advertiser Perceptions, les médias de détail devraient représenter 20 % des dépenses publicitaires aux États-Unis en 2024. À l'échelle mondiale, une valeur de 165 milliards d'euros est attendue d'ici 2025, soit un peu plus d'un cinquième de la publicité numérique. L'une des raisons de cette croissance rapide est l'attrait qu'elle exerce sur les annonceurs et les détaillants. 

Avec le renforcement de la réglementation en matière de protection de la vie privée, des navigateurs internet tels que Mozilla Firefox et Apple Safari ont bloqué les cookies de tiers. Google Chrome devrait faire de même en 2025. Pour les annonceurs, les médias de détail constituent donc une alternative efficace, leur permettant d'exploiter les données détenues par les détaillants.  

Il s'agit également d'une stratégie pertinente, car : grâce aux données de haute qualité et à la grande portée des détaillants, les annonceurs peuvent cibler les consommateurs ayant une forte intention d'achat sur plusieurs points de contact, améliorant ainsi les performances de la campagne et le retour sur investissement publicitaire (ROAS). 

Par ailleurs, selon une étude menée par Google et le cabinet de conseil international BCG, le concept offre aux détaillants un flux de revenus à forte marge, avec des bénéfices bruts estimés entre 70 % et 90 %. 

Les médias de détail ont vu le jour aux États-Unis et se développent rapidement en Europe. Selon Emarketers, les dépenses publicitaires totales au Royaume-Uni, en France et en Allemagne sont estimées à 6,58 milliards de dollars en 2023 et devraient plus que doubler d'ici 2027, pour atteindre 15,29 milliards de dollars. 

Unlimitail, la coentreprise annoncée par Carrefour et Publicis en juin 2023, a quant a elle été particulièrement remarquable. La « Joint-Venture » a vu la technologie de Publicis combinée aux données de Carrefour, créant ainsi une plateforme alternative à un marché dominé par Amazon. Ce qui leur a notamment permis de signer avec plus de 20 détaillants de premier plan. 

Réseaux de médias bancaires : une dynamique qui s'accélère 

Une tendance similaire pourrait-elle s'installer dans les services financiers et donner naissance à un modèle de réseau de médias bancaires ? Il y a certainement un potentiel, étant donné que les deux secteurs partagent des caractéristiques similaires et attrayantes pour les annonceurs. Par exemple, à l'instar des détaillants, les banques disposent d'un large public et de canaux d'interaction omnicanaux tels que le web et les applications mobiles. 

De plus, les deux secteurs ont accès à de vastes réserves d'informations, bien que de types différents : les médias du commerce de détail offrent des données sur les achats et la navigation, tandis que les banques peuvent fournir des informations sur les paiements, mettant en évidence les habitudes de consommation des consommateurs dans les différents magasins. À l'instar du commerce de détail, les médias bancaires promettent des promotions personnalisées aux clients ainsi qu’une nouvelle source de revenus. 

En fait, la conversation sur les réseaux de médias financiers n'est plus théorique. Aux États-Unis, Chase a publiquement exposé sa stratégie, après un parcours de plusieurs années. En 2018, elle s'est associée à Cardlytics pour proposer aux consommateurs des offres liées à la carte (CLO) de la part des marques et des détaillants. Chase a ensuite décidé de mettre les bouchées doubles, en acquérant Figg en 2022, ce qui lui a permis de contrôler sa propre plateforme technologique CLO. En 2024, la banque a lancé Chase Media Solutions, après que des entreprises telles qu'Air Canada et Whataburger aient participé à un programme pilote de 30 jours, et ont connu "une augmentation des ventes incrémentales avec une croissance de la clientèle". 

Les acteurs européens commencent également à saisir cette opportunité. La néo-banque britannique Revolut n'a par exemple pas mâché ses mots : Antoine Le Nel, responsable de la croissance, a déclaré au Financial Times : "Nous pourrions devenir une entreprise de médias... un endroit où vous avez une audience avec des données sur cette audience et où vous les monétisez." 

Depuis, Revolut a embauché Inam Mahmood, ancien responsable des partenariats de commerce électronique chez TikTok UK, pour diriger l'entreprise. L'entreprise aurait pour objectif interne de réaliser un chiffre d'affaires de 300 millions de livres sterling d'ici 2026. 

En France, BoursoBank est entrée dans l'espace média des banques, d'abord par le biais de The Corner en 2021, une plateforme de fidélisation et d'avantages qui a atteint 300 millions d'euros de transactions en 2023, grâce à son parcours utilisateur fluide et intégré. Elle a ensuite annoncé le programme "VIP", qui permet à des partenaires triés sur le volet d'accéder aux données des 570 000 abonnés de The Corner, leur permettant de présenter aux clients des offres attrayantes adaptées à leur profil individuel. Une approche unique dans l'écosystème bancaire européen.  

Tirer parti des réseaux de médias financiers 

Un plus grand nombre de banques devraient désormais étudier la manière dont elles peuvent exploiter efficacement les médias financiers. Elles doivent en particulier réfléchir à la manière dont elles peuvent offrir des propositions de valeur attrayantes à des groupes complémentaires : les consommateurs et les annonceurs. 

1. Consommateurs 

Les banques devraient adopter une approche différente de la vente au détail, car les publicités traditionnelles peuvent être rebutantes dans un environnement de services financiers. Elles devraient donc se concentrer sur des formats qui offrent plus de pouvoir d'achat, comme le cashback automatique basé sur les achats avec une marque, ou des récompenses personnalisées comme des réductions dans certains magasins, pour des clients spécifiques. 


Plus important encore, les banques doivent conserver la confiance de leurs clients. À ce titre, les réseaux de médias financiers doivent se conformer pleinement aux réglementations actuelles et évolutives en matière de sécurité, de protection de la vie privée et de consentement, et la manière dont ils y parviennent doit être transparente. 

2. Les annonceurs 

Pour réussir dans cette nouvelle activité, les banques doivent fournir aux annonceurs des outils algorithmiques et d'analyse de données avancés pour définir leurs campagnes numériques et sélectionner les bonnes audiences. Elles doivent également fournir un contenu personnalisé, assurer une attribution marketing et un reporting de campagne adéquats. Enfin, les banques doivent offrir ces services selon des modalités auxquelles les marques en ligne sont déjà habituées. 

Une évolution continue des réseaux de médias financiers 

L'évolution vers les réseaux de médias bancaires est en cours, avec des leaders du marché comme Chase aux États-Unis, BoursoBank en France et Revolut au Royaume-Uni. À l'instar des médias de détail, cette tendance pourrait se généraliser et mériterait d'être sérieusement étudiée. La question classique à se poser est la suivante : construire, acheter, ou s'associer ? C'est dans cette optique que nous vous proposerons prochainement un entretien avec le cofondateur de PayLead : une fintech française spécialisée dans l’accompagnement des banques, et destinée à leur permettre d'entrer dans le paysage en pleine mutation des médias financiers. 

   
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