L’intelligence artificielle (IA) est considérée comme l’une des technologies les plus transformatrices de notre époque, promettant de révolutionner les industries et d’innover comme jamais on n’aurait pu l’imaginer. Mais elle s'accompagne d'implications environnementales importantes qui pourraient compromettre les objectifs de neutralité carbone des entreprises, selon Andrew Grigg, Directeur du Conseil en Développement Durable, Sopra Steria Next UK.
L’utilisation de l’IA ne cesse d’augmenter. Une analyse de Sopra Steria Next prévoit que les dépenses mondiales en IA atteindront 1,27 milliards de dollars en 2028. De plus, selon un rapport de McKinsey, 65 % des répondants déclarent que leurs organisations utilisent régulièrement l’IA générative (une IA capable de générer des textes, des images et autres à partir de modèles génératifs, souvent en réponse à des instructions), soit presque deux fois plus que l’année dernière.
Cependant, à mesure que l’adoption de l’IA s’accélère, ses implications environnementales augmentent. Ce défi doit être relevé par les entreprises si elles veulent atteindre les objectifs de neutralité carbone à l’avenir.
Les quatre principaux impacts environnementaux de l’IA:
- Énergie : Les modèles d’IA, notamment ceux nécessitant un entraînement intensif, consomment de grandes quantités d’énergie. Selon l’Agence internationale de l’énergie, la consommation énergétique des centres de données pour l’IA devrait doubler au cours des deux prochaines années, ce qui équivaut à la consommation énergétique annuelle d’un pays de la taille du Japon.
- Ressources abiotiques : Le matériel utilisé pour l’IA consomme de grandes quantités de métaux et d’éléments rares. De plus, la demande est telle que la course à la production de puces informatiques par les fabricants crée des pressions accrues sur les chaînes d’approvisionnement.
Atteindre les objectifs de neutralité carbone est une priorité pour les entreprises du monde entier. Cependant, ces objectifs resteront hors de portée si on ne met pas l’IA dans l’équation. Autrement dit, sans mesures adaptées pour intégrer l’IA dans les efforts de durabilité, la neutralité carbone pourrait devenir inatteignable.
Les défis pour les entreprises dans la réduction des problèmes environnementaux liés à l’IA :
- Usage inutile : Les entreprises doivent se mettre au défi d’identifier quand l’utilisation de l’IA est réellement bénéfique et, surtout, quand elle ne l’est pas. Beaucoup de problèmes peuvent être résolus sans recourir à l’IA. Une mauvaise compréhension de son potentiel réel conduit souvent à des dépenses inutiles pour développer et exploiter des solutions d’IA non nécessaires.
- Décalage entre efficacité et demande : De grands acteurs de l’IA, comme Microsoft et Google, affirment que la consommation énergétique sera réduite grâce à des matériels spécialisés pour l’IA. Cependant, selon le Rapport scientifique international sur la sécurité de l’IA avancée de mai 2024, l’efficacité énergétique de l’informatique s’améliore d’environ 26 % par an, tandis que la demande en puissance de calcul pour l’entraînement des IA croît de 400 % chaque année.
- Manque de mesure fiable de l’impact de l’IA : Les entreprises manquent de clarté sur l’impact environnemental réel des systèmes d’IA. Comme le souligne ce document de l’OCDE, il n’existe pas de normes de mesure reconnues mondialement et les grands opérateurs de centres de données ne sont pas incités à publier des données solides sur l’impact environnemental de leurs services. Cela complique la prise de décisions éclairées et la mise en œuvre de stratégies d’IA efficaces.
- Absence de normes pour l’analyse du cycle de vie (ACV) des IA : Comme l’observe ce document de recherche publié par MRS Communications, il n’existe pas de norme universellement reconnue pour l’analyse du cycle de vie des IA. Cette absence de standardisation rend les comparaisons et les rapports plus complexes pour les entreprises lorsqu’elles doivent décider quelles IA utiliser.
Pourquoi l’IA durable est essentielle
Intégrer la durabilité dans les initiatives d’IA n’est pas seulement une question éthique, cela offre également des avantages concrets pour les entreprises. Parmi ceux-ci :
- Atteindre les objectifs de neutralité carbone : En adoptant des pratiques d’IA durable, les entreprises peuvent réduire significativement leur empreinte carbone et s’aligner sur les objectifs mondiaux de « Net Zero ». Ces pratiques offrent de nombreux avantages : une meilleure réputation de marque, le respect des réglementations et une réduction des coûts.
- Réduction du temps de mise sur le marché : En simplifiant les processus, en raccourcissant le temps d’entraînement des modèles et en augmentant l’efficacité, les pratiques d’IA durable favorisent un déploiement plus rapide des solutions. C’est ce que réalise Sopra Steria en partenariat avec Confiance.ai.
- Réduction des coûts : Grâce à leur capacité à réduire la consommation d’énergie et à optimiser les ressources, les solutions d’IA économes en énergie engendrent, sans surprise, des économies sur les coûts opérationnels.
- Réduction de l’impact environnemental : Les pratiques d’IA durable atténuent les effets environnementaux négatifs des technologies d’IA, renforçant ainsi les efforts mondiaux pour freiner le changement climatique et préserver les ressources naturelles.
- Atténuation et adaptation aux risques climatiques Autrement dit, en réduisant leur consommation d’énergie, d’eau et de ressources abiotiques dans l’utilisation de l’IA – et en impliquant leur chaîne logistique numérique pour anticiper les risques climatiques pesant sur leurs infrastructures – les entreprises peuvent jouer un rôle actif dans la lutte contre les impacts du changement climatique.
Les étapes essentielles d’une mise en œuvre responsable de l’IA
- Mettre en œuvre des pratiques d’IA verte
Éduquer vos équipes sur l’impact environnemental de l’IA et leur apprendre à reconnaître quand utiliser ou ne pas utiliser l’IA. Promouvoir une culture de durabilité au sein de l’organisation en responsabilisant tous les employés à agir et à rendre des comptes sur les résultats liés à la durabilité. Collaborer avec la communauté d’experts en IA et en durabilité pour partager les meilleures pratiques et les innovations en IA durable.
- Mesurer l’impact environnemental de l’IA
Avant de lancer de nouveaux modèles d’IA, effectuer une analyse complète de leur cycle de vie pour comprendre l’impact environnemental des étapes de collecte de données, stockage, entraînement et déploiement.
Ensuite, après le déploiement, analyser pleinement la plateforme cible et utiliser des outils pour suivre la consommation réelle pendant la phase d’utilisation. Les outils comme CodeCarbon, Carbon Tracker et EcoLogits permettent de mesurer et surveiller avec précision l’empreinte carbone des projets d’IA.
- Optimisation des algorithmes et des modèles
Développer et utiliser des algorithmes nécessitant moins de puissance de calcul, sans compromettre leur précision. Des techniques comme le pruning, la quantisation et la distillation des connaissances peuvent contribuer à optimiser les modèles. Diviser par deux le temps d’entraînement permet de diminuer les émissions de CO2 de 50 %, avec une perte de précision quasi insignifiante.
- Optimisation des centres de données Optimiser l’impact environnemental des centres de données en choisissant des emplacements basés sur des critères comme le mix énergétique local et l’accès aux énergies renouvelables. Par exemple, selon les données d’Ember et de l’Institut de l’énergie, déplacer des centres de données d’Allemagne vers la France pourrait permettre une réduction de 86 % des émissions de CO2.
- Transparence et reporting Plaider pour le développement et l’adoption de normes mondiales pour mesurer l’impact environnemental de l’IA. Demander à vos fournisseurs d’IA des données et des mesures sur l’impact environnemental de leur technologie. Soutenir les initiatives visant à créer des normes pour l’analyse du cycle de vie (ACV) des systèmes d’IA. Publier régulièrement des rapports sur l’impact environnemental de vos initiatives d’IA afin de maintenir la transparence et la responsabilité.