Cet article fait suite à un article où nous avions présenté la future réglementation DCC2 sur le crédit. Aujourd’hui, nous avons le plaisir de nous entretenir avec Paul Peyré, co-fondateur et responsable des Risques et de la Data chez Algoan, Fintech spécialiste des scores de crédit de nouvelle génération fondés sur les données Open Banking.
Paul Peyré, co-fondateur et responsable des Risques et de la Data chez Algoan
Paul, pourrais-tu te présenter et nous partager les raisons qui t’ont poussé à créer Algoan ?
En 2018, après plusieurs années chez Fitch Ratings en tant que Directeur en Financements Structurés, j’ai créé avec Michaël Diguet Algoan, un pionnier de la décision de crédit fondée sur
les données Open Banking. Nous étions convaincus que des algorithmes avancés exploitant les données de l’Open Banking seraient bien meilleurs que l'octroi de crédit traditionnel, qui est lui fondé sur
des critères socio-démographiques parfois injustes et inefficaces et des processus longs et compliqués.
Concrètement, quel est le métier d’Algoan ?
Algoan fournit des outils d’aide à la décision de crédit pour les établissements financiers. Ces outils s’appuient sur les données Open Banking et se consomment sous forme d’APIs.
Nous avons également
un produit d’agrégation des comptes bancaires qui propose une interface client sur-mesure pour le crédit, avec notamment une gestion du consentement “compliant by design”. Enfin, nous proposons un outil de visualisation
des données, un Tableau de Bord, pour faciliter le suivi des dossiers clients et la prise de décision.
Comment se positionnent les scores de crédit fondés sur les APIs Open Banking vs. les méthodes traditionnelles ?
Avec l’Open Banking, d’une part, les ressources et charges récurrentes sont directement accessibles dans les données bancaires transactionnelles. Ces données permettent de s’assurer que le candidat à l’emprunt
peut rembourser son crédit. D’autre part, les données bancaires permettent de comprendre le profil financier de l’individu, c-à-d. l’analyse de l’adéquation entre les dépenses et les ressources,
ou la détection de difficultés financières avérées (présence d’impayés ou de certains types de frais bancaires, usage excessif du découvert bancaire, etc.).
Par rapport aux scores traditionnels, principalement fondés sur des données socio-démographiques en France, nous avons pu mesurer des gains très significatifs en matière d’acceptation (jusqu’à +40%
de taux d’acceptation à iso-risque) ou de gestion du risque (diminution de 50% du coût du risque à iso-acceptation).
Les organismes prêteurs valorisent beaucoup ces gains de performances ainsi que la fiabilité
des données Open Banking : alors que les données utilisées par les scores traditionnels sont déclaratives, les données Open Banking sont factuelles, actualisées, et récupérées directement
à la source.
En conséquence, en 2024, une majorité d’organismes prêteurs, notamment les filiales des groupes bancaires français, est déjà équipée de scoring Open Banking, en particulier Algoan.
Outre
les gains en matière de risque et d’inclusion, nous réduisons les coûts de traitement et permettons d'offrir des parcours de souscription 100% digitaux, avec prise de décision instantanée. Nous constatons donc
une adoption en forte croissance de ces nouvelles méthodes.
En quoi l’intelligence artificielle contribue-t-elle également à renforcer ces modèles de scoring ?
Le scoring à partir de données transactionnelles présente de nombreux défis, s’agissant en particulier de structurer et enrichir ces données afin de les utiliser dans un système de décision.
Ainsi, la catégorisation des données bancaires, essentielle dans l’analyse de solvabilité, est un problème complexe en raison de la diversité des libellés de transactions, du vocabulaire bancaire et
des variations de convention entre institutions bancaires.
L’utilisation de modèles d’IA tels que les Large Language Models (ou « LLMs ») permet d’améliorer la catégorisation des transactions, en facilitant l’annotation de grands volumes de données,
la détection d’erreurs, etc. L’IA constitue donc pour nous un formidable levier d'innovation au service de la performance de nos outils.
La Deuxième Directive des Crédits à la Consommation (DCC2), qui sera transposée dans le droit français au plus tard le 20 novembre 2025, demande des processus de contrôle renforcé des charges et revenus
pour tous les crédits allant jusqu’à 100 000 Euros. Quels vont être les impacts ?
La DCC2 va renforcer les exigences en matière d’étude de solvabilité, pour mieux contrôler la capacité de remboursement de l’emprunteur et ainsi prévenir le surendettement.
L’analyse
de solvabilité devra désormais s’effectuer « sur la base d’informations pertinentes et exactes relatives aux revenus et dépenses du consommateur », ces informations pouvant comprendre « des preuves
de revenus ou d’autres sources de remboursement, des informations sur les actifs et passifs financiers ou des informations sur d’autres engagements financiers ».
Pour rappel, les seules sécurités à l’entrée en crédit en vigueur aujourd’hui sont la consultation du fichier national des incidents de remboursement des crédits (FICP) et l’obligation de fournir
des justificatifs d’identité, de domicile et de revenus pour tout crédit supérieur à 3000€. La nécessité de documenter les décisions apparaît ainsi renforcée, avec un focus non
plus uniquement sur le revenu mais également sur les charges.
Les données Open Banking apparaissent aujourd’hui comme la seule source de données exhaustive et fiable pour satisfaire ces besoins : revenus et charges, mensualités de crédits, frais bancaires, présence de rejets
de paiement ou autres signaux négatifs d’un point de vue risque de crédit (saisie sur compte par exemple), etc..
La DCC2 va toucher des acteurs qui n’étaient auparavant pas concernés par les règlementations de crédit. On pense notamment aux acteurs du BNPL. Comment ces acteurs vont devoir se préparer à cette nouvelle
directive ?
En effet, la DCC2 élargit la définition du crédit à la consommation à tous les crédits non hypothécaires allant jusqu’à 100 000€. Ainsi, la DCC2 s’applique notamment :
- aux opérations de location avec option d’achat (“LOA”),
- aux contrats de crédit sous forme de dépassement et découverts, et
- aux facilités de paiement différé.
Ce dernier volet couvre les services de type « Achetez maintenant, payez plus tard » ou BNPL. Les acteurs du BNPL vont donc devoir conduire une étude de solvabilité au moment de l’octroi alors même que leur principal
enjeu est de proposer un parcours client très fluide.
Là encore, l’Open Banking paraît être la meilleure réponse. Il suffit en effet au client de se connecter à son application bancaire et d’autoriser le partage de ses données bancaires pour que celles-ci
soient récupérées et ensuite analysées, de manière automatique, pour enfin établir un score en quelques secondes.
Et quid de l’utilisation du scoring Open Banking sur d’autres produits ou segments, notamment les crédits immobiliers ou les crédits aux entreprises ?
Le crédit immobilier est également propice à l’usage de l’Open Banking. Plutôt que de fournir ses trois derniers relevés bancaires, le candidat à l’emprunt peut, via l’Open Banking, partager
ses informations bancaires, ce qui permet d’évaluer l’endettement et le reste-à-vivre. L’accord de principe peut dès lors être délivré en quelques minutes par un analyste crédit. Certaines
situations simples peuvent même faire l’objet d’un traitement automatique. Les courtiers immobiliers sont les premiers à adopter ces solutions.
Par ailleurs, pour ce qui est du crédit aux professionnels ou aux micro-entreprises, que les acteurs traditionnels ont toujours éprouvé des difficultés à servir faute de données pertinentes, l’Open Banking
offre un souffle nouveau. Les données comptables sont en effet rarement pertinentes car trop anciennes ou insuffisamment granulaires pour qualifier le risque de crédit sur ce type d’acteurs. Algoan a lancé mi-2024 une extension
de son service pour prendre en charge ce type de clients finaux.